Après chacun pour soi, tous pour la planète ?

L’individualisme exacerbé est enfant de la postmodernité, ce temps civilisationnel qui aurait débuté vers les années 50, dont la caractéristique principale est la dissolution des valeurs de la modernité : refus de la toute-puissance de la raison et de la croyance au progrès lié aux technosciences, conduisant au culte du présent et au renoncement à vouloir transformer la société – la gestion a remplacé le politique – avec un éclatement total des repères (structures sociales et idéologies) qui a mené collectivement à la perte du sens. Gilles Lipovetsky parle de l’Ere du vide, que chacun est appelé à combler à sa guise, par le divertissement (l’ère des variétés de Hermann Hesse), la recherche de bien-être, l’hyperconsommation, etc.

Selon certains observateurs, la crise écologique actuelle serait un des facteurs signant la sortie de l’ère postmoderne, dans le sens où elle est à nouveau porteuse d’un « grand récit » rassembleur. En effet, devant la menace de perdre notre habitat, la recherche collective de sens – dans sa double acception de signification et de direction – devient une urgence vitale. Notre individualisme tend à se fissurer devant la menace globale. Le seul profit individuel à n’importe quel cout écologique ne peut plus être un horizon soutenable pour beaucoup de personnes. Mais il est aussi évident que la crise écologique est une crise subjective, spirituelle, car elle ne peut trouver une issue dans la seule imposition par l’Etat de mesures contraignantes non comprises et donc non respectées par une majorité.

Nous ne sommes qu’au début de cette crise, qui reste ignorée d’un large pan de la population encore attaché au modèle économique en place et aux valeurs qui le sous-tendent : la vanité (être le meilleur dans un domaine) et le désir de posséder des biens que les autres ne peuvent pas s’offrir. Cet égocentrisme et égoïsme imbécile reste le principal obstacle à l’éclosion d’une véritable conscience écologique. Le règne de la raison (la Modernité) nous a conduits à l’illusion d’être séparés du Tout et de pouvoir contrôler la nature. Le cynisme de la postmodernité a pointé l’échec de la raison. Peut-être lui succédera une ère de la sensibilité, permettant de retrouver le chemin de l’unité et de percevoir notre vraie place dans la biosphère, si humble et si grande à la fois.

Publié le : 21/10/2015

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