Les vrais héros sont-ils de retour ?

En chacun de nous sommeille un héros, car ce dernier représente la nature divine enfouie au plus profond de l’homme, ce Soi vers lequel nous tendons tous inconsciemment comme la plante tend inexorablement vers le Soleil. C’est cette graine de héros qui nous permet de relever les défis – parfois les plus fous – que dans sa grande sagesse dame Destinée sème sous nos pas de Petits-Poucets comme autant de cailloux blancs sur la route du Soi.

Dans nos sociétés qui ont touché le fond du puits du matérialisme, cette aspiration légitime au dépassement de soi, de l’enfermement dans les limites de la routine, se traduit souvent par une soif de célébrité. Comme si exister signifiait désormais exister loin de toute intériorité, dans les terres arides des apparences. A défaut d’être reconnu, il faut au moins être remarqué par les autres, par le plus grand nombre si possible. Ce besoin de reconnaissance se greffe sur un autre piège tendu au Soi qui s’éveille : l’inflation de l’égo qui se prend déjà pour un dieu. D’où l’émergence de ces « héros » des temps modernes qui se délectent à l’idée d’être regardés par des milliers de personnes dans les émissions de télé-réalité ou encore de faire la une des journaux en entraînant d’autres dans leur suicide/spectacle.

Si l’on admet que le cinéma, comme n’importe quel art, est un miroir de la société, certains chroniqueurs voient un tournant dans la représentation collective de l’archétype du héros avec le dernier film de Steven Spielberg, basé sur des faits réels, le Pont des espions. Loin de l’individualisme triomphant propre à notre contemporanéité, Spielberg y décrit le parcours d’un espion russe qui a pleinement conscience de n’être qu’un rouage dans une chaîne qui le dépasse, au service d’une idéologie discutable, pouvant être trahi à tout moment par les siens et qui pourtant reste fidèle jusqu’au sacrifice de sa vie à la cause de sa patrie.

L’espion décrit par Spielberg est un héros par sa fidélité totale à ses engagements. Il est un héros de l’ombre, n’attendant aucune reconnaissance, dont la seule récompense est la satisfaction d’avoir pleinement accompli la mission qui lui était assignée. En ce sens, il est un modèle pour tous ceux qui sont fatigués de tourner en rond dans leur « moi, je », il est un modèle pour notre société lassée du monstre individualiste qu’elle a engendré.

Publié le : 23/12/2015

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