Le silence est-il toujours d’or ?

Alors que nous ne nous sommes jamais tant plaints du bruit qui accompagne chaque instant de nos vies, il paraîtrait que nous ne savons plus goûter le silence, celui dont la littérature et les sagesses du monde n’ont cessé de faire l’éloge au fil des âges. Certes, nos villes ne sont pas plus bruyantes qu’aux siècles où chevaux et carrosses heurtaient à grand fracas les voies pavées et où les cris des marchands hélant le chaland retentissaient à longueur de journées, rappelle l’historien Alain Corbin dans son « histoire du silence ». Ce qui différencie cette époque de la nôtre, c’est que nous ne savons plus, nous ne voulons plus nous accorder des moments de silence.

Le coupable tout désigné seraient les nouvelles technologies de la communication dont nous sommes devenus des esclaves. Habitués à passer, sur fond sonore, d’un écran à un autre, d’une forme de communication à une autre, nous serions déstabilisés par les intervalles de silence qui se glisseraient inopinément dans ce flot incessant des distractions qui constitue pour nous la normalité. Or, cela est incontestable, seul le silence permet de se (re)connecter à soi, de retrouver le chemin de l’intériorité, de devenir conscient de ce qui est.

Mais le bruit extérieur est-il vraiment un obstacle au silence intérieur ? Bien sûr, nous ne parlons pas d’un bruit insupportable à l’oreille humaine, celui qui, littéralement « scie les nerfs ». Les neurosciences ont fait apparaître que le cerveau atteignait son maximum de potentiel créatif avec un fond sonore qui correspond à l’équivalent de celui d’un café, aux heures de fréquentation moyenne. Cela explique pourquoi tant d’écrivains choisissent d’écrire dans les cafés : ses bruits les stimulent intellectuellement. Or s’ils n’étaient pas en même temps établis dans un silence intérieur parfait, ils ne pourraient rien produire.

Ce n’est donc pas tant le bruit de la vie moderne, quelle qu’en soit la source, qui est responsable de notre difficulté à trouver des plages de silence, mais notre propre bruit intérieur, tous ces bavardages et ruminations que précisément nous cherchons à fuir par toutes sortes de distractions. Un méditant aguerri est capable de laisser éclore la rose du silence même dans le vacarme assourdissant d’une discothèque.

Publié le : 13/04/2016

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