Avons-nous tous un problème d’identité ?

L’âge confère certains privilèges à qui sait les saisir, dont le moindre n’est pas la possibilité d’un recul lucide sur son parcours de vie, comme si l’on contemplait un paysage depuis le sommet d’une montagne, avec tout le loisir de laisser le regard balayer l’ensemble du panorama ou de se focaliser sur un point précis. Ce qui frappe alors, c’est la conscience que les opportunités et les choix qui ont dessiné ce paysage auraient pu être tout autres, qu’il ne tenait souvent qu’à un fil que j’opte pour telle option, que je m’engage sur un chemin plutôt qu’un autre. Et c’est pourtant ce parcours précis qui a construit mon identité, à qui je dois d’être ce que je suis aujourd’hui. Qui suis-je alors, si ce qui me définit aurait pu être tout autre ?

La question de l’identité individuelle taraude plus ou moins chacun d’entre nous depuis les profondes remises en question des années 60, déroulant son tapis de doutes et d’angoisses. La psychanalyse a mis à mal la représentation unifiée du moi qui prédominait jusque-là, en désignant plusieurs instances qui cohabitent en nous comme le surmoi, l’inconscient, etc. Et les dernières conclusions des neurosciences achèvent de jeter un trouble sur cette notion d’identité qui apparait de plus en plus floue : ces sciences auraient en effet démontré que nous n’avons aucun libre arbitre (l’imagerie médicale montre clairement que le cerveau envoie des signaux pour nous conduire à une action bien avant que nous ayons conscience de l’accomplir). Or, comment pourrions-nous avoir une identité bien à nous si nous n’avons aucune liberté de décision et par conséquent aucune responsabilité ?

Bien sûr, les conclusions des neuroscientifiques ne convainquent qu’eux-mêmes, tant elles sont éloignées des expériences intérieures de tous ceux qui cherchent au plus profond d’eux-mêmes à toucher le mystère d’une identité profonde, essentielle et unifiée. Quoique… cette exploration peut aussi conduire à un dédoublement, voire à une tripartition, comme dans l’expérience suivante : je m’identifie au personnage d’un film en me disant que cette vie qui se déroule devant mes yeux m’aurait parfaitement convenue –j’ai conscience à la fois du moi vivant cette vie virtuelle et de mon moi actuel qui la regarde – et en même temps un troisième personnage, à l’étage le plus profond de ma perception, me sourit en me disant que cette vie-ci est exactement celle qu’il me fallait. Aïe, mais qui suis-je ?

Publié le : 09/12/2015

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