Développement personnel, une régression ?

L’idée de développement personnel recouvre un ensemble de pratiques – thérapies, yoga, arts martiaux, méditation, etc. – destinées à un plus grand épanouissement de la personnalité, chacun, pratiquant ou praticien qui propose sa méthode étant libre d’apprécier ce que signifie pour lui cet épanouissement. Dans les années 70, qui ont vu l’essor de ces pratiques, elles étaient étroitement liées à la notion d’individuation de Carl Jung qui en est, sinon le père fondateur, du moins l’un des principaux inspirateurs.

Mais la finalité de ces pratiques n’a pas échappé à la vague de régression qui balaie depuis quelques années la civilisation occidentale, passant d’une recherche de plus-être à celle d’un bien-être ou d’un mieux-être. Autrement dit, au-lieu de nous conduire au-delà des limitations de notre ego, elles nous y enferment un peu plus, avec la bonne conscience en prime. Ainsi, le moine bouddhiste français Matthieu Ricard dénonce le détournement de la pratique traditionnelle de la méditation, jamais séparée d’une quête spirituelle profonde, pratiquée en Occident en remplacement d’un antidépresseur ou comme une technique de relaxation et de bien-être totalement egocentrique.

Pour le philosophe Martin Buber, la quête spirituelle ou processus d’individuation se déroule en quatre étapes qui s’entremêlent : le retour sur soi, le dialogue avec autrui, l’engagement dans le monde, la rencontre avec le Tu éternel. Dans la première étape nous apprenons à nous connaître tels que nous sommes – à l’aide du dialogue avec autrui, notre miroir, que peut aussi représenter un livre – et à réunifier les divers aspects de notre personnalité pour les réorienter sur le but, la source éternelle. La deuxième étape nous préserve du piège de la focalisation sur soi et du renforcement conséquent de l’ego, tout comme l’engagement dans le monde qui se traduit dans le bouddhisme par la pratique de la bienveillance et de la compassion. Et c’est l’ensemble de ces trois étapes qui nous conduit vers la quatrième, la rencontre avec l’Autre ultime, que par défaut nous nommons Dieu.

Le chemin de l’individuation est donc à l’opposé d’une focalisation sur son propre développement. Comme le dit Martin Buber : « commencer par soi, mais non finir par soi ; se prendre pour point de départ mais non pour but ; se connaître, mais non se préoccuper de soi. » La finalité étant de permettre à cette Présence innommable d’entrer en l’homme, et par ce biais, dans le monde.

Publié le : 17/02/2016

Haut de page

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *