Faut-il travailler pour réussir sa vie ?

Le travail, dans son sens d’activité productive en vue de satisfaire les besoins matériels de l’homme, n’a été reconnu comme valeur que tard dans l’histoire – dans l’Antiquité grecque et romaine il était réservé aux esclaves, les hommes libres se consacrant aux activités de l’esprit. C’est véritablement l’ère industrielle qui a sacralisé le travail, valorisation poussée à son paroxysme aux Etats-Unis où l’activité intellectuelle pure, comme écrire un livre, est fréquemment vue comme un signe de dépression.

Aujourd’hui, de plus en plus de voix s’élèvent pour réclamer le droit à la paresse et célébrer les vertus de l’ennui, ces moments de disponibilité totale à l’instant présent, où l’imaginaire prend le pouvoir et rend possible la créativité. Dans le même temps, la société fait plus que jamais la chasse aux « glandeurs ». Le contemplatif, autrefois sacralisé, est stigmatisé. L’école n’a plus pour vocation d’instruire, mais de former dans le but de « réussir », c’est-à-dire trouver sa place dans le système de production.

Les philosophes modernes sont partagés sur la question du travail. Hegel, analysant la société industrielle, voyait dans ce labeur obligé une chance de dépasser ses instincts et de développer la maîtrise de soi. Pour Marx, « une journée idéale est de travailler le matin, d’aller à la pêche l’après-midi et de faire de la philosophie le soir ». Nietzsche va dans le même sens : « celui qui ne dispose pas des deux tiers de sa journée pour lui-même est un esclave ». Et Pascal de mettre en avant l’impossibilité pour la plupart des hommes, de « rester en repos dans une chambre ».

La philosophie hindouiste parle des trois qualités fondamentales par lesquelles passe successivement une âme en évolution : Tamas, ou inertie, Raja ou activité, et Sattwa ou rythme. Tous ces stades d’évolution coexistent aujourd’hui sur la planète. On reconnaît la qualité « tamas » dans ces personnes qui peuvent passer des journées entières assises sur une chaise, les yeux perdus dans le vide ; une majorité fonctionne sur le mode « raja », d’où l’intense activité qui caractérise nos sociétés ; enfin, une minorité croissante incarne le dernier mode qui est celui des contemplatifs. Une société idéale offre une dignité égale à chacun.

 

 

Publié le : 03/06/2015

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