Peut-on faire l’éloge de la polygamie ?

Dans le journal « Libération » du 21/22 juin, la chroniqueuse Marcela Iacub défendait l’idée d’un droit à la polygamie pour tous, en résonance et en prolongeant en quelque sorte la revendication du mariage pour tous. Son obsession toute féministe de l’égalité entre genres la conduit à une proposition un peu loufoque – si l’un des partenaires introduit un tiers dans le couple, l’autre doit le faire également afin de ne pas reproduire le modèle du harem – oubliant qu’une rencontre significative est toujours un cadeau de la vie et ne se décide pas. Mais elle dénonce avec justesse les dérives de l’exclusivité sexuelle et met en avant la difficulté de trouver une satisfaction durable dans une relation à deux.

Rare sont en effet les couples qui se construisent selon l’idéal de St-Exupéry « s’aimer, ce n’est pas se regarder l’un l’autre, mais regarder ensemble dans la même direction », qui inclut déjà un tiers : le but commun. Le plus souvent, passées les deux années de « magie amoureuse » pendant lesquelles chacun voit le meilleur de lui-même dans les yeux de l’autre, le quotidien reprend le dessus et renvoie chacun à ses limitations et sa solitude constitutive, blessure que l’on ne cessera de chercher à soulager à travers les exigences que l’on adresse à l’autre. Un tiers signifiant constitue alors une sorte d’ébranlement salutaire qui reconnecte au flux de la Vie.

La polygamie est encore présente dans de nombreuses cultures, surtout sous sa forme de polygynie (un homme ayant plusieurs femmes) et plus rarement sous celle de polyandrie (une femme ayant plusieurs maris),  comme dans certaines régions de l’Himalaya. Dans le passé elle reposait essentiellement sur deux facteurs : la solidarité et le faible degré d’individuation – dans certaines îles du Pacifique on trouve encore des autochtones qui n’ont pas conscience d’avoir un corps qui leur est propre, pour eux le corps appartient à la nature. Notre époque moderne vit majoritairement cette étape de l’individuation caractérisée par l’individualisme : chacun se vit intensément comme un moi séparé, qui peut certes s’approprier un autre mais certainement pas le partager, sous peine de sentir son intégrité menacée. L’étape individualiste de l’évolution est celle de toutes les guerres.

Aujourd’hui, surtout dans les milieux intellectuels et artistiques, des hommes et des femmes cherchent consciemment à dépasser les limites de l’individualisme et s’engagent volontairement dans l’aventure de la polygamie, lorsqu’une telle opportunité se présente. Selon Jung, plus une personne avance sur le chemin de l’individuation, plus nombreuses seront les rencontres significatives – provoquées par le Soi – qu’il lui faudra reconnaître et accepter car elles constituent un élément important du chemin. Nous n’en avons pas fini avec la question de la polygamie !

Publié le : 02/07/2014

Haut de page

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *