Un autre monde est possible

De plus en plus de personnes refusent la soumission passive ou fataliste au modèle occidental de société qui sacrifie l’être à l’avoir. Quitte parfois à choisir des solutions extrêmes, comme ces « débranchés » aux Etats-Unis qui se rassemblent dans de vastes espaces pour apprendre à vivre sans eau courante et sans électricité –et bien sûr sans objet connecté-, en osmose avec la nature. De la sobriété heureuse de Pierre Rhabi aux expériences de partage tourné vers le sacré de l’association « Terre du Ciel », les initiatives se multiplient pour montrer des voies possibles pour ne plus être l’esclave du productivisme et se consacrer, à la place, à la production de soi. Et cette possibilité est peut-être en voie de sortir de la marginalité.

Pour se consacrer à la « sculpture de soi », -expression à la mode qui trouve son origine chez Plotin-, il faut du temps et de la liberté. Mais il ne peut y avoir aucune liberté si les besoins vitaux ne sont pas assurés. Liberté et sécurité sont les deux ingrédients qui posent les bases pour une vie pleinement humaine et digne. Alors que les doux rêveurs espéraient une solution du courant politique de gauche, traditionnellement perçu comme progressiste, c’est de la droite libérale qu’émane un projet à même de concilier ces deux besoins.  Partant du constat que nous ne traversons pas qu’une simple crise économique mais vivons une mutation bien plus profonde, comme si nous nous trouvions devant un Himalaya de transformations dont nous n’aurions gravi que les premiers mètres, Alain Madelin (ancien ministre de l’économie) avance une série de propositions destinées à encorder les grimpeurs afin de favoriser l’escalade de tous.

Les grandes lignes de ce qu’il espère pouvoir constituer un programme pour un futur gouvernement, de droite autant que de gauche, sont simples mais profondément révolutionnaires : accorder une totale liberté aux entreprises afin qu’elles puissent s’adapter aux contingences du marché mondial, compenser cette flexibilité par la création d’un revenu universel qui, tout en donnant une sécurité matérielle à tous, laisse aussi une totale liberté dans le choix de travailler (au sens où l’on entend habituellement ce terme) ou non ; enfin, ce qui nous semble un apport majeur, mettre en accès libre sur le Web et sous une forme attractive l’ensemble des formations disponibles dans tous les domaines de l’éducation, afin que chacun puisse se former tout au long de sa vie et le temps qu’il le souhaite quel que soit son objectif.

Ne soyons pas naïfs, il y a peu de chances qu’un prochain gouvernement adopte ce programme, le « vieux monde » pesant encore de tout son poids dans l’opinion publique, comme on a pu l’entendre dans les diverses réactions aux débats récents sur le revenu universel. Mais comme pour ce dernier, gageons que ces idées feront leur chemin car elles sont tout simplement la voie de l’avenir. Merleau-Ponty en avait déjà l’intuition il y a plus de cinquante ans, pour qui la solution du conflit entre le capitalisme et le communisme ne pouvait venir que d’un nouveau libéralisme.

Publié le : 22/06/2016

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