Et si le joyau de la jeunesse se trouvait dans la vieillesse ?

Il ne faut pas confondre jeunesse avec sa caricature, le jeunisme, qui est souvent présenté comme une conséquence du mouvement de libération de Mai 68. Pourtant l’esprit 68 aurait largement condamné cette adhésion à une apparence « lisse » où le moindre signe de l’âge –cheveu blanc ou ride- devient stigmate, car en rupture avec le modèle dominant qui place au premier plan de ses valeurs une beauté aseptisée à l’image de la « poupée Barbie », qui reste invariablement la même.

68 a surtout donné un coup de balai à l’esprit de sérieux incarné par tous les conservatismes, ce sérieux qui précisément nous rend lourds et vieux, à n’importe quel âge. Il nous menace dès que nous sommes tentés de nous identifier à une fonction sociale où que nous accordons trop d’importance aux tâches que nous accomplissons. Or c’est dans les deux premiers tiers de notre vie que nous succombons le plus facilement à ces identifications, car sauf exception, nous sommes appelés à nous impliquer pleinement dans les différentes activités sociales. La fameuse courbe en U de l’indice du bonheur, qui serait universelle selon les économistes, est à cet égard parlante : entre 20 et 49 ans, le sentiment de bonheur dégringole de façon vertigineuse, à partir de la cinquantaine, il remonte aussi vite qu’il avait chuté, pour atteindre autour des 70 ans une sorte d’apogée.

Une certaine détente favorisée par la situation – le plus souvent les devoirs familiaux sont accomplis et la carrière faite – mais aussi un lâcher prise par rapport aux ambitions et/ou aux désirs irréalisables, sont des explications avancées par les experts pour comprendre cette courbe. Au-delà des 70 ans, l’individu commence à être confronté à sa finitude, selon que les défaillances de son corps se manifestent plus ou moins tôt. La question de la mort reste taboue dans les sociétés occidentales qui, n’ayant aucune vision à proposer, préfèrent l’occulter voire la dénier en proposant d’illusoires stratégies pour prolonger la vie. Une source de souffrance certaine.

La vraie jeunesse est une ouverture totale à la vie, avec une souplesse et une capacité d’adaptation proche de celle de l’enfant, le sentiment qu’une grande aventure est devant soi, sans arrimage au passé, sans le poids d’une quelconque peur ou attente, même au terme de la vie dans le corps. Alors vieillir signifie se préparer à quitter le monde léger comme une plume. Autrement dit, ne plus peser que le poids de son âme.

Publié le : 16/09/2015

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