Avons-nous les gouvernants que nous méritons ?

Si les personnalités qui représentent et gouvernent un peuple sont le reflet de sa psyché collective, on peut mesurer le degré d’individuation d’un peuple à l’aune de son gouvernement, selon qu’il est de nature plutôt autoritaire ou démocratique. Il en est d’une nation comme d’un individu : une faible individuation nécessite des repères stables, une délimitation précise entre ce qui est permis et ce qui ne l’est pas, des règles de conduites claires sur lesquelles s’appuyer pour s’orienter dans la traversée de la jungle des multiples interrelations et interactions, bref, elle appelle une autorité, un Père qui indique la voie à suivre et sur lequel on peut déposer sa responsabilité.

Ceci explique l’échec du renversement par la force des dictatures du Moyen-Orient, initié par l’Occident au nom de la religion de la démocratie ou d’un complexe du Sauveur – qui masquent évidemment des motivations nettement moins nobles. Laissé sans direction et livré à lui-même, un peuple faiblement individué retombe dans une forme de chaos où règne la recherche de la satisfaction des besoins immédiats ou à court terme, et où le désir des uns contrarie le désir des autres, conduisant à des conflits internes sans fin. Si aucune figure paternelle laïque suffisamment puissante et capable de reprendre le pouvoir n’est disponible à ce moment-là, il reste le recours d’un père de substitution qui prend le visage de la Religion.

Il serait pourtant naïf de voir dans les modèles occidentaux de gouvernance la signature d’une individuation avancée. En France, le Père n’est jamais très loin, comme le signifie une dénomination fréquente de notre république, qualifiée de monarchique. D’autres pays ont une gouvernance très horizontale – dans les pays du nord les plus hauts responsables sont considérés comme de simples fonctionnaires – mais conservent une vraie monarchie de façade. Mais on ne peut nier que les gouvernances démocratiques, en protégeant les droits des individus, favorisent le processus d’individuation.

Comme l’explique la psychanalyste et philosophe Cynthia Fleury, dans son ouvrage « les irremplaçables » consacré à ce sujet, « la qualité de l’Etat de droit et de la démocratie dépend de la qualité de l’individuation, et vice versa, l’une passant à l’autre comme un ruban de Moebius. » En ce sens, tout nouveau mouvement de protestation, de révolte, voire de révolution au sein d’un peuple – et il en existe de nombreux aujourd’hui car la démocratie représentative commence à être mise en question presqu’autant que les dictatures – est significatif.

Publié le : 09/09/2015

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