L’empathie peut-elle être un vice ?

Le terme empathie est un néologisme popularisé en France dans les années 60 par le biais de la psychologie anglo-saxonne, notamment du courant humaniste. Il désigne la capacité à se mettre à la place d’autrui afin de mieux le comprendre, d’un point de vue émotionnel et/ou cognitif, c’est-à-dire être capable de se représenter ce que l’autre ressent ou pense. Pour le psychologue humaniste Carl Rogers, l’empathie est un des trois piliers –avec l’authenticité et la considération inconditionnelle- de la thérapie humaniste. La notion d’empathie n’est pas non plus étrangère à la psychanalyse, qui en France lui a préféré la dénomination plus technique de contre-transfert.

Et c’est de la psychanalyse qu’émane la critique la plus saillante à l’égard de l’empathie, par la bouche de Jacques Lacan : si je me mets à la place de l’autre, où est l’autre ? En d’autres termes, est-il possible de se mettre en résonnance avec les émotions, sentiments, pensées d’un autre sans y projeter les siens ? Rogers, même s’il incitait à tout faire pour ressentir et penser ce que vit l’autre, était en même temps très lucide quant à l’impossibilité d’y parvenir réellement.

L’empathie est aujourd’hui encouragée dans tous les domaines de l’activité humaine. Mais si elle se révèle constructive dans les secteurs de la relation d’aide ou de l’éducation, elle dévoile également sa facette obscure dans celui du management où elle s’avère un instrument de manipulation. L’empathie est aussi présente dans les rapports sadomasochistes, car sans la capacité à éprouver la souffrance de l’autre, le sadique ne pourrait pas jouir des sévices qu’il lui inflige. Ainsi, l’empathie, comme toutes les qualités, peut se mettre au service du meilleur comme du pire.

L’empathie est à la base de toutes les interactions sociales, sans elle nous resterions emmurés dans notre égotisme, sans possibilité de contact réel. Mais elle reste un moyen, non une fin, elle doit servir une intention, non prendre sa place. De plus, elle reste un moyen de connaissance qui a ses limites, puisqu’aucun de nous n’est libre de projections. Si nous sommes conscients de toutes ces réserves, peut-être avons-nous une chance que notre capacité d’empathie ne trahisse pas son plus noble dessein : venir réellement en aide à autrui.

Publié le : 24/06/2015

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