Peut-on libérer la pensée de l’intellectualisme ?

L’intellect, tel que nous le connaissons aujourd’hui, est une acquisition récente dans l’histoire de l’humanité. Le terme lui-même date du Moyen âge, période qui a vu naître un début de pensée autonome, celle-ci étant réduite jusque-là à un miroir des croyances religieuses et dans ce sens, plus proche de la pensée magique que d’une quelconque rationalité. La raison discursive s’est puissamment développée dans la Renaissance, pour aboutir aujourd’hui à cette brillante intellectualité qui caractérise de plus en plus nos sociétés. Cependant, croire que cette dernière est l’instrument suprême de la connaissance est une illusion en soi, qui conduit à ce qu’on appelle communément et péjorativement l’intellectualisme – isme pointant les possibles mystifications de la rationalité logique capable de démontrer tout et n’importe quoi par une argumentation habile.

Combien de théories, en effet, ont vu le jour au fil des siècles, émanant de toutes les disciplines, présentées comme la dernière grande révélation de la connaissance, pour être démasquées, dénoncées plus tard comme une pure construction de l’esprit sans fondement réel. Les savants du 19e siècle étaient persuadés d’avoir fait le tour de toute la connaissance accessible à l’humanité et qu’il n’y aurait plus rien à découvrir dans les siècles à venir …jusqu’à ce que la physique quantique bouleverse à ce point toutes les certitudes que la recherche dans ce domaine reste comme suspendue devant la béance de l’inconnu dont elle a entr’ouvert une porte. L’intelligence analytique, aussi utile soit-elle, a largement montré ses limites quant à son autosuffisance pour accéder à la connaissance.

Enfermés dans cette croyance en la toute-puissance de l’intellect héritée des Lumières, nous demeurons largement ignorants du véritable pouvoir de la pensée, dont l’intellect n’est qu’un aspect. Sans renier ce dernier, il est possible de l’utiliser comme un marchepied pour pénétrer plus loin dans l’univers de la pensée –certains philosophes parlent de « penser jusqu’au retournement » – au-delà des bornes qui le circonscrivent habituellement. Autrement dit, franchir le pont qui passe de l’intellect à l’intuition –ce dernier terme étant compris dans le sens d’une connaissance directe. Et pour cela, il nous faut aussi cultiver notre sensibilité.

Publié le : 20/01/2016

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